Pleins feux sur le jihad mondial (15-21 octobre 2020)

Aperçu général

• Dans la région d’Idlib, les échanges de tirs d’artillerie se sont poursuivis entre l’armée syrienne et Hay’at Tahrir al-Sham (HTS), quoique à une intensité un peu plus faible. Un drone américain a effectué une frappe aérienne près de la ville d’Idlib, tuant deux hauts commandants de l’organisation des gardiens de la religion affiliée à Al-Qaïda.
• En Irak, en Syrie et dans la péninsule du Sinaï, l’Etat islamique a poursuivi ses activités routinières. Attaques notables cette semaine dans les provinces de l’Etat islamique en Afrique centrale et de l’Ouest:
  • Au Nord-Ouest du Nigeria (État de Borno), les attaques de l’Etat islamique se sont poursuivies, l’armée nigériane faisant de nombreuses victimes (des dizaines de morts et de blessés). Parmi les provinces de l’EI en Asie et en Afrique, le Nigéria est le premier pays en termes de nombre de victimes.
  • En Tanzanie, des membres de l’Etat islamique ont attaqué pour la première fois une base militaire dans le Sud-Est du pays. Il s’agit apparemment d’un retentissement de l’activité de l’EI depuis le Nord-Est du Mozambique, où l’EI a établi sa présence.
  • En République démocratique du Congo, l’Etat islamique a revendiqué la responsabilité d’avoir pénétré par effraction dans la prison centrale du Nord-Est du pays, une région où l’organisation est active. Plus de 1 300 prisonniers se seraient échappés.
• Le porte-parole de l’EI, Abu Hamza al-Qurashi, a publié une cassette audio dans laquelle il appelle, entre autres, au renversement des dirigeants arabes “tyranniques”, dans le contexte des accords de normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis et Bahreïn. Le porte-parole appelle les membres de l’Etat islamique et ses partisans en Arabie saoudite à attaquer les citoyens occidentaux et les infrastructures économiques du pays (incendier des oléoducs, endommager des usines). Le porte-parole fait l’éloge des membres de l’Etat islamique en Afrique, les appelant à renverser les régimes locaux et à nuire aux intérêts occidentaux (en particulier à ceux de la France).
• Le 16 octobre 2020, un jeune tchétchène a décapité un professeur d’histoire dans une banlieue proche de Paris après avoir montré à ses élèves des caricatures du prophète Mahomet, précédemment publiés par l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, lors d’une discussion avec ses étudiants sur la liberté d’expression. Le Président français Emmanuel Macron, arrivé sur les lieux de l’attaque, a qualifié le meurtre “d’attaque terroriste islamique”. C’est une rhétorique inhabituelle qui reflète l’intensité du choc des Français face au meurtre, qui a été perçu comme une violation de l’éducation et de la liberté d’expression. À ce stade, rien ne prouve que l’Etat islamique ou Al-Qaïda aient été impliqués dans l’attaque, bien que l’Etat islamique s’y soit identifié au niveau idéologique.

Activités de l’Etat islamique dans le monde

Activités de l’Etat islamique dans les différentes provinces (8-14 octobre 2020)

• Le 15 octobre 2020, l’hebdomadaire Al-Naba’ de l’Etat islamique a publié une infographie intitulée “La récolte des combattants”, résumant l’activité de l’Etat islamique du 8 au 14 octobre 2020. Selon l’infographie, au cours de cette période, l’Etat islamique a mené 30 attaques dans le monde, contre 37 la semaine précédente (soit une diminution d’environ 19% du nombre d’attaques). Le plus grand nombre d’attaques a été mené en Syrie (13), comparé à une diminution du nombre d’attaques en Irak (8). Des attaques ont également été menées dans d’autres provinces de l’Etat islamique: Afrique de l’Ouest (6) et péninsule du Sinaï (3) (Hebdomadaire Al-Naba’, Telegram, 15 octobre 2020).
• Selon l’infographie, un total de plus de 69 personnes ont été tuées et blessées lors de ces attaques, contre 54 la semaine précédente (soit une augmentation d’environ 27% du nombre de victimes). Le plus grand nombre de victimes (32) était en Afrique de l’Ouest. Les autres victimes se trouvaient en Syrie (18); en Irak (14); et dans la péninsule du Sinaï (5) (Telegram, 15 octobre 2020).

Ressources financières de l’Etat islamique

Aperçu général

• Laurie Mylroie, une chercheuse américaine renommée sur le terrorisme, a écrit un article faisant suite à un récent rapport du Wall Street Journal sur les ressources financières de l’Etat islamique (18 septembre 2020^[1]). Selon Mylroie, malgré ses récents revers, notamment la perte de son territoire, l’Etat islamique reste riche. Selon elle, la sécurité officielle américaine et occidentale et autres sources, telles que le gouvernement régional du Kurdistan, soulignent qu’en dépit de ses revers, l’Etat islamique continue de détenir de nombreuses réserves financières. Selon ces sources, l’Etat islamique a à sa disposition d’importantes réserves financières et une gamme de sources de revenus, qui pourraient financer de dangereuses attaques terroristes.

Types de sources financières de l’Etat islamique

• Le département américain du Trésor estime que l’État islamique détient quelque 300 millions de dollars. L’estimation des Nations Unies est moindre, bien qu’elle reste considérable: environ 100 millions de dollars. Voici des exemples de ressources financières de l’Etat islamique:
  • Investissements dans des entreprises légitimes : Des documents capturés par la Coalition après la défaite territoriale de l’Etat islamique révèlent qu’il avait investi des centaines de millions de dollars dans des entreprises légitimes, y compris des hôtels et d’autres biens immobiliers.
  • Bénéfices du réseau Al-Rawi ^[2] : Il s’agit d’un réseau de personnes et d’entreprises originaires de la ville frontalière sunnite irakienne de Rawa, près de la frontière avec la Syrie. Le réseau, également connu sous le nom de chaîne d’or (Selselat al-Thahab), transfère de l’argent hors des zones de l’Est de la Syrie autrefois contrôlées par l’Etat islamique vers Dubaï et via la Turquie.
  • Exploiter la pandémie COVID-19 pour faire des profits : Selon un autre article de Mylroie, la pandémie est devenue une ressource financière. Un partisan de l’Etat islamique en Turquie, Murat Cakar, a été accusé de gagner de l’argent grâce à la vente en ligne de masques et d’autres équipements de protection individuelle^[3]. Les bénéfices du partisan étaient principalement en monnaie virtuelle.

• Rançons : L’Etat islamique gagne également de l’argent en enlevant des individus et en facturant des dizaines de milliers de dollars de rançon. Le montant de la rançon peut atteindre jusqu’à 70 000 dollars.
• Contrebande de tabac : L’Armée de l’Islam (Lashkar-e-Islam) est un allié important de l’Etat islamique au Pakistan et actif à Khyber, dans la province de Peshawar. L’organisation est fortement impliquée dans la contrebande de tabac. Les bénéfices de cette occupation sont estimés à plusieurs millions de dollars par an^[4].

L’arène syrienne

Région d’Idlib

Dans la région d’Idlib, les échanges de tirs d’artillerie se sont poursuivis entre l’armée syrienne et les organisations rebelles à l’Est et au Sud-Ouest d’Idlib. En outre, des avions russes auraient effectué des frappes aériennes à l’Ouest d’Idlib (près de la frontière syro-turque). Deux civils ont été tués dans ces attaques et 15 ont été blessés (Edlib Media Center, 14 octobre 2020).

Elimination par les Etats-Unis de commandants affiliés à Al-Qaïda

• Selon un porte-parole du CENTCOM américain, le 15 octobre 2020, un drone américain a effectué une frappe aérienne près d’Idlib. Lors de cette attaque, deux hauts commandants de la branche d’Al-Qaïda en Syrie ont été tués (Fox News, 16 octobre 2020). Les médias syriens ont rapporté que l’attaque avait visé deux membres de l’Organisation des Gardiens de la Religion qui étaient dans un véhicule près d’Idlib. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, les deux personnes tuées étaient Abu Dharr al-Masri et Abu Yusuf al-Maghrebi, deux commandants de l’Organisation des gardiens de la religion (Observatoire syrien des droits de l’homme, 17 octobre 2020).
• Voici des détails sur les deux commandants qui ont été tués lors de l’attaque :
  • Abu Dharr al-Masri : Membre du Conseil de la Choura de l’Organisation des Gardiens de la religion (Chaîne Youtube Akhbar al-Aan 24, 16 octobre 2020). Anciennement responsable de la loi islamique au sein de l’Organisation des gardiens de la religion Auparavant, il était le superviseur de l’organisation d’un institut de droit religieux islamique (ma’had shar’i) pour les enfants.
  • Abu Yusuf al-Maghrebi : Ancien commandant d’Al-Qaïda. A rejoint l’Organisation des Gardiens de la Religion, où il était en charge de la sécurité générale (Chaîne Youtube Akhbar al-Aan 24, 16 octobre 2020).

Activités de l’Etat islamique en Syrie^[5]

Région de Deir ez-Zor, Al-Mayadeen

• Le 19 octobre 2020, un agent des services de renseignement des FDS a été visé par des tirs de mitrailleuses à environ 14 km au Nord d’Al-Mayadeen. Il a été tué.
• Le 19 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont déposé un engin piégé à environ 20 km au Nord d’Al-Mayadeen. L’engin piégé a été activé alors qu’un membre des FDS essayait de le neutraliser. Le combattant a été blessé.

Région d’Alep

• Le 16 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont posé un engin piégé à un poste de contrôle des organisations rebelles parrainées par la Turquie à 40 km au Nord d’Alep (à environ 11 km au sud de la frontière syrienne ). Plusieurs combattants ont été blessés.

 L’arène irakienne

Accord sur le retour des familles affiliées à l’EI à l’Ouest de Mossoul

• Le 14 octobre 2020, un accord a été signé à Mossoul pour le retour volontaire de 1100 familles de membres de l’Etat islamique dans leurs foyers à Mahalabiyah, à environ 35 km à l’Ouest de Mossoul. Ces familles ont quitté leur lieu de résidence et se sont installées dans des régions autrefois contrôlées par l’Etat islamique. L’accord a été signé sous les auspices du gouverneur de la province de Ninive et avec le soutien du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD^[6]) en Irak. Il convient de noter que les résidents locaux se sont jusqu’à présent opposés au retour des familles des membres de l’Etat islamique dans la région (reliefweb.int, 14 octobre 2020).

Attaques de l’Etat islamique dans les différentes provinces^[7]

Province de Diyala

• Le 20 octobre 2020, un engin piégé a été activé contre un combattant de la mobilisation tribale à environ 15 km au Nord-Est de Baqubah. Il a été tué.
• Le 16 octobre 2020, un engin piégé a été activé contre un combattant de la mobilisation tribale à environ 80 km au Nord-Est de Baqubah. Il a été blessé.
• Le 16 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont planté un engin piégé dans la maison d’un combattant de la mobilisation tribale à environ 60 km au Nord de Baqubah. La maison a été détruite.
• Le 15 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont posé des engins piégés dans trois maisons d’un commandant de la mobilisation tribale à environ 60 km au Nord de Baqubah. Les trois maisons ont été détruites.
• Le 15 octobre 2020, un engin piégé a été activé contre des civils chiites à environ 20 km au Nord-Est de Baqubah. Un civil chiite a été tué.
• Le 15 octobre 2020, un engin piégé a été activé contre un civil chiite au Nord-Est de Baqubah. Il a été blessé.
• Le 13 octobre 2020, un combattant de la mobilisation tribale a été visé par des tirs de tireurs d’élite à environ 40 km au Nord-Est de Baqubah. Il a été tué.

Province de Salah al-Din

• Le 16 octobre 2020, un complexe de la mobilisation populaire a été visé par des tirs de mitrailleuses à environ 60 km au Nord de Bagdad. Quatre combattants de la mobilisation populaire ont été tués.
• Le 14 octobre 2020, un engin piégé a été activé contre un véhicule de l’armée irakienne à environ 30 km au Nord de Bagdad. Les passagers, dont un officier, ont été tués ou blessés.

Province d’Al-Anbar

• Le 18 octobre 2020, les maisons de deux membres de la sécurité nationale irakienne ont été la cible de tirs de mitrailleuses à environ 20 km à l’Ouest de Bagdad. Un a été tué et deux autres ont été blessés.
• Le 12 octobre 2020, un soldat du renseignement militaire irakien a été visé par des tirs de mitrailleuses à l’Ouest de Ramadi, à environ 90 km à l’Ouest de Bagdad. Il a été tué.

Province de Kirkuk

• Le 18 octobre 2020, un engin piégé a été activé contre une patrouille de la police irakienne à environ 50 km au Sud-Ouest de Kirkouk. Un policier ayant le grade de major a été tué. Il commandait un cadre militaire semblable à un bataillon.

Activités de lutte contre le terrorisme des forces de sécurité irakiennes

Province d’Al-Anbar

• Le 16 octobre 2020, des équipes de la Direction du renseignement militaire ont localisé un dépôt d’armes de l’Etat islamique à environ 30 km au Sud-Est de Falloujah. Ils ont trouvé des explosifs, y compris des engins piégés qui ressemblaient à des boîtes en fer blanc plates (Page Facebook du ministère irakien de la Défense, 16 octobre 2020).

   
Des agents du renseignement militaire irakien à proximité des engins piégés trouvés dans le dépôt d’armes (Page Facebook du ministère irakien de la Défense, 16 octobre 2020)

Province de Ninive

• Le 18 octobre 2020, des équipes de la Direction du renseignement de Ninive ont capturé huit membres recherchés de l’Etat islamique dans diverses régions dans la province. Les détenus ont admis avoir été impliqués dans la réalisation d’attaques alors que la province de Ninive était sous le contrôle de l’Etat islamique (Al-Sumaria, 18 octobre 2020).
• Le 17 octobre 2020, l’armée de l’air irakienne a effectué des frappes aériennes à environ 70 km au Sud de Mossoul. Plusieurs membres de l’Etat islamique ont été tués et plusieurs cachettes ont été détruites (Page Facebook SecMedCell affiliée au bureau du Premier ministre irakien, 17 octobre 2020).
• Le 16 octobre 2020, une force de l’armée irakienne a capturé plusieurs familles de membres de l’Etat islamique infiltrés depuis la Syrie, près de la région de Sinjar. Au total, 14 femmes et enfants ont été capturés (Page Facebook du ministère irakien de la Défense, 16 octobre 2020).

Bagdad

• Le 17 octobre 2020, des équipes de la police irakienne ont capturé quatre membres de l’Etat islamique qui avaient participé à des attaques dans la province d’Al-Furat alors qu’elle était sous le contrôle de l’Etat islamique (Al-Sumaria, 17 octobre 2020).

Province de Kirkuk

• Le 16 octobre 2020, une force spéciale de l’Unité de lutte contre le terrorisme déployée à partir d’hélicoptères a fait irruption dans un tunnel où se cachait un commandant de l’Etat islamique, à environ 30 km au Sud de Kirkouk. Le commandant, qui portait une ceinture explosive, a été tué (Al-Sumaria, 17 octobre 2020).

La péninsule du Sinaï

Région de Bir al-Abd

•  Le 14 octobre 2020, un engin piégé a été activé contre une patrouille de l’armée égyptienne dans le village d’Al-Marih, à l’Ouest de Bir al-Abd. Mohammad Salah Riad, un officier égyptien ayant le grade de lieutenant-colonel (muqaddam) a été tué et quatre soldats ont été blessés (Page Facebook Shahed Sinaa-al-Rasmia, 14-15 octobre 2020).

 

Retour de résidents dans la région de Rabi’a

• Le 10 octobre 2020, des habitants des villages de Qatia, Al-Marih et al-Janain sont rentrés chez eux, après avoir fui le 21 juillet 2020. Le 11 octobre 2020, les habitants du village d’Aqtia sont rentrés chez eux. Dans le village de Qatia, les habitants de retour ont été confrontés à des scènes de dévastation. Les résidents de retour ont trouvé des engins piégés plantés par l’Etat islamique. Dans l’une des maisons, un engin piégé a explosé dans une armoire à vêtements pendant le nettoyage de la maison. Deux femmes ont été tuées et un homme a été blessé. Dans le village d’Al-Janain, un engin piégé a également été activé. Une femme et sa fille ont été tuées. Le 11 octobre 2020, un engin piégé a été activé dans une voiture dans le village d’Aqtia. Trois femmes et un enfant de deux ans ont été tués. Le chauffeur et un bébé ont été blessés. Le 14 octobre 2020, un engin piégé a été activé dans le village d’Al-Marih. Un habitant a été tué et deux autres blessés (almanassa.run, site Internet d’un journaliste politique et social, 14 octobre 2020).

Activités de l’Etat islamique dans le monde^[8]

Afrique

Nigéria

• Le 19 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont tendu une embuscade à des soldats nigérians à environ 20 km au Sud de Damaturu, dans l’État de Yobe. Quatre soldats ont été tués par des tirs de mitrailleuses. En outre, des armes et des munitions ont été saisies.
• Le 16 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont tendu une embuscade et tiré avec des mitrailleuses sur des soldats nigérians au Nord-Ouest de Maiduguri, la capitale de l’État de Borno (dans le nord-est du Nigéria). Selon les allégations de responsabilité de l’Etat islamique publiées sur Telegram, 11 soldats ont été tués et d’autres ont été blessés. En outre, des armes et des munitions ont été saisies.
• Le 16 octobre 2020, un engin piégé a été activé contre un véhicule de l’armée nigériane au Sud-ouest de Maiduguri. Les passagers ont été tués ou blessés.
• Le 15 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont repoussé une attaque de l’armée nigériane dans l’État de Borno, dans le Nord-Est du Nigéria. Selon l’Etat islamique, trois soldats nigérians ont été tués et d’autres blessés. En outre, des armes, des munitions et du matériel militaire a été saisi.

• Le 15 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont attaqué un complexe de l’armée nigériane à environ 40 km à l’Ouest de Maiduguri, la capitale de l’État de Borno. Plusieurs soldats ont été tués ou blessés.
• Le 15 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont attaqué les postes de commandement des forces soutenant l’armée nigériane dans l’État de Borno. Six combattants ont été tués et d’autres ont été blessés.

Tanzanie

Le 14 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont attaqué un complexe de l’armée tanzanienne dans le village de Kitaya à la pointe Sud-Est de la Tanzanie (près de la frontière avec le Mozambique). Plusieurs soldats ont été tués ou blessés. En outre, des armes et des munitions ont été saisies. Un char a été incendié. Pour autant que l’on sache, il s’agit de la première attaque menée par des membres de l’Etat islamique sur le sol tanzanien. Selon nous, il s’agit d’un débordement de l’activité de l’EI au Mozambique, et en particulier de la forteresse de l’EI dans la région de Cabo Delgado, dans le Nord-Est du pays. On peut estimer que les auteurs de l’attaque sont des membres de la province d’Afrique centrale de l’Etat islamique qui ont traversé la frontière puis sont retournés au Mozambique. Il est possible qu’après l’établissement de Daech dans le Nord-Est du Mozambique, il commence également à étendre ses activités aux pays voisins.

République démocratique du Congo

Activité de l’Etat islamique

• Le 14 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont attaqué un complexe de l’armée congolaise dans la région de la ville de Beni, au Nord-Est du pays. Plusieurs soldats ont été tués ou blessés. En outre, des armes et des munitions ont été saisies.

Prison attaquée par l’Etat islamique

• Le 20 octobre 2020, au petit matin, des hommes armés ont fait irruption dans la prison centrale de Kangbayi dans la région de Beni, dans le Nord-Est du Congo (à environ sept kilomètres à l’Ouest de la frontière avec l’Ouganda). Un groupe important d’hommes armés aurait franchi la porte en utilisant du matériel de soudage et serait entré dans la prison. Au cours de l’attaque, 1 346 prisonniers se sont échappés et il n’en restait que 110. Selon un tweet sur le compte Twitter d’un responsable de la police, deux prisonniers ont été abattus lors de l’attaque (DW, 20 octobre 2020).
• Selon l’agence de presse Amaq de l’Etat islamique, le matin du 20 octobre 2020, des membres de l’Etat islamique ont attaqué la prison et une base de l’armée congolaise dans la région de Beni. Aucun autre détail n’a été fourni dans le rapport.

 
Droite : La région de Beni dans le Nord-Est de la République démocratique du Congo, où se trouve la prison centrale de Kangbayi (Google Maps). Gauche : Prison centrale de Kangbayi (compte Twitter John Kanyunyu @ Kanyunyu, propriété d’un journaliste indépendant de la ville de Beni, République démocratique du Congo, 20 octobre 2020).

Afghanistan

• Le 14 octobre 2020, deux roquettes ont été tirées sur la base aérienne militaire de Bagram, à environ 40 km au Nord de Kaboul. Le personnel militaire américain est stationné sur la base aérienne.
• Le 13 octobre 2020, un agent du gouvernement afghan a été visé par des coups de feu dans la ville de Jalalabad. Il a été tué.

Activité jihadiste dans le monde

Un professeur d’histoire décapité en région parisienne

Le 16 octobre 2020, dans l’après-midi, un Tchétchène de 18 ans, né à Moscou, armé d’un couteau, a décapité un professeur d’histoire et de géographie nommé Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine, à environ 25 km au Nord-Ouest du centre de Paris. Le meurtrier aurait crié “Allahu Akbar” pendant le meurtre. Le meurtrier a été abattu par la police française près des lieux.

• Selon les médias français, lors d’une discussion avec ses élèves sur la liberté d’expression, l’enseignant leur a montré des caricatures du prophète Mahomet qui avaient déjà été publiées dans l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo^[9]. Avant cela, l’enseignant a demandé à ses élèves musulmans de quitter la classe pour ne pas blesser leurs sentiments. La police française a arrêté un certain nombre de personnes, dont les parents d’un élève de l’école où l’enseignant enseignait, pour des soupçons d’implication dans le meurtre (France 24 et AP, 16 et 17 octobre 2020).

• Le procureur général français a annoncé qu’un réseau se faisant appeler Supporters of Tchétchénie a revendiqué la responsabilité de la décapitation de l’enseignant (Khotwa, 17 octobre 2020) , 2020). Nous n’avons pas connaissance d’un tel réseau. Nous ne disposons pas non plus actuellement d’informations qui pourraient indiquer un lien entre l’Etat islamique ou Al-Qaïda avec le meurtre, mais l’Etat islamique s’est identifié à lui idéologiquement^[10].

Quelques heures après le meurtre, le Président français Emmanuel Macron est arrivé sur les lieux. Il a qualifié le meurtre “d’attaque terroriste islamique” et a noté que l’enseignant avait été tué parce qu’il avait enseigné la liberté d’expression. Jusqu’à présent, les autorités françaises se sont abstenues de faire explicitement référence aux attaques jihadistes comme du terrorisme jihadiste islamique.

• La déclaration reflète l’intensité du choc des Français face à l’attaque, qui a été perçue comme une violation de l’éducation et de la liberté d’expression.

La guerre de propagande

Déclaration du porte-parole de l’Etat islamique

Le 18 octobre 2020, la Fondation des médias Al-Furqan de l’Etat islamique a publié une cassette audio du porte-parole de l’organisation, Abu Hamza Al-Qurashi. Le titre de la cassette est un verset du Coran – “Alors racontez-leur des histoires du passé, afin qu’ils réfléchissent peut-être^[11]. Dans la bande de 32 minutes, le porte-parole appelle au renversement des dirigeants “tyranniques” des pays arabes et musulmans, dans le contexte des accords de normalisation entre les Émirats arabes unis, Bahreïn et Israël. Entre autres, le porte-parole de l’Etat islamique appelle les partisans de l’organisation à attaquer des citoyens occidentaux en Arabie saoudite et à endommager les infrastructures économiques, par exemple en incendiant des oléoducs et des usines dans le pays (Telegram, 18 octobre 2020). Le porte-parole a félicité les membres de l’Etat islamique dans la péninsule du Sinaï pour leur combat contre l’armée égyptienne et encourage les agents de divers pays africains à continuer de lutter contre les “tyrans” et contre la présence occidentale dans leurs pays (en mettant l’accent sur la France).

• Voici les principales déclarations faites par le porte-parole de l’Etat islamique :
  • Un appel aux membres de l’Etat islamique en Irak à rester fermes contre les attaques des forces de sécurité irakiennes et à faire preuve de tolérance. Le porte-parole félicite les membres de l’organisation en Syrie pour leur engagement à lutter contre le régime syrien et pour éliminer les chefs tribaux qui soutiennent le régime, les soldats syriens et aussi les soldats russes, y compris un commandant de haut rang de l’armée russe (en Syrie)^[12]).
  • Un appel aux musulmans (cf., aux partisans de l’Etat islamique) de la péninsule arabique à rejoindre l’État islamique. S’ils n’y parviennent pas, ils doivent tuer les citoyens occidentaux qui vivent parmi eux. Le porte-parole appelle également les partisans de l’Etat islamique à nuire à l’infrastructure économique de l’Arabie saoudite, par exemple en incendiant des oléoducs, des usines et des infrastructures, qui soutiennent l’existence du “gouvernement tyrannique”.
  • Félicitations aux membres de l’Etat islamique dans le Sinaï pour avoir résisté fermement à l’armée égyptienne malgré la détermination du président Sissi (“Pharaon”) à exterminer le jihad qu’ils mènent. Le porte-parole appelle les membres de l’Etat islamique dans la péninsule du Sinaï à continuer de mener une guerre à mort contre l’armée égyptienne.
  • Un appel aux musulmans du Nigéria, du Burkina Faso, du Congo, du Mali et du Tchad à agir contre les “tyrans” de leur pays. Le porte-parole appelle les musulmans à rejoindre l’Etat islamique et à incendier les usines occidentales qui exploitent leurs ressources.
  • Félicitations aux membres de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest et centrale pour leurs activités contre “la France et ses affiliés“. Le porte-parole s’adresse spécifiquement aux membres de l’Etat islamique au Mozambique, les salue pour leurs victoires et les appelle à poursuivre leurs activités dans le but de renverser le régime.
  • Appel aux membres de l’Etat islamique partout dans le monde à suivre les traces des membres de la province du Khorasan et à libérer de force les prisonniers de l’Etat islamique en pénétrant par effraction dans les prisons où ils sont détenus^[13].
  • Menace que le jihad de l’Etat islamique contre les “infidèles” se poursuivra jusqu’à la fin des temps. Le porte-parole menace même que les membres de l’Etat islamique viendront au “coeur des maisons” des infidèles et les surprendront. À la fin de la bande sonore, le porte-parole a déclaré que les soldats de la Coalition internationale (“les troupeaux de croisés”) quitteront bientôt l’Irak, la Syrie et l’Afghanistan, non pas par choix mais en raison de la détermination des membres de l’Etat islamique qui les forcent à partir.

Activités de contre-terrorisme

Un tribunal indien juge 15 personnes pour complot en vue d’établir une base de l’Etat islamique en Inde

• Le 19 octobre 2020, un tribunal spécial de la National Investigation Agency (NIA), le groupe de travail indien de lutte contre le terrorisme, aurait condamné 15 personnes à des peines de prison allant de cinq à 10 ans. Les accusés ont été reconnus coupables de complot en vue d’établir une base de l’Etat islamique en Inde en recrutant des adolescents sur les réseaux sociaux. Le réseau mis en place par les accusés s’appelle “Les soldats du califat en Inde” et a été géré par un membre de l’Etat islamique en Syrie, appelé Yusuf l’Indien. Les membres du réseau ont prêté allégeance à l’Etat islamique et son objectif était d’établir un califat en Inde en menant des attaques (The Indian Guardian Online, 19 octobre 2020).

^[1] Laurie Mylroie, ISIS retains huge financial resources: US report. Kurdistan24.net. 25 September 2020: https://www.kurdistan24.net/en/news/f19ae36a-7746-4906-b38d-4c16e1f06360L'auteur est une chercheuse américain de renom qui a beaucoup écrit sur l'Irak et la guerre contre le terrorisme. Elle est titulaire d'un doctorat en science politique de Harvard. Elle a été chargée de recherche dans divers instituts de recherche, tels que le Washington Institute for Near East Policy, et a été professeure agrégée au Département de la stratégie et des politiques du US Naval War College. Elle a publié trois livres et de nombreux articles dans les journaux et périodiques importants aux États-Unis. Certaines de ses publications sont controversées et ont été critiquées par d'éminents chercheurs américains sur le terrorisme. ↑
^[2] Le réseau Al-Rawi a été créé il y a plusieurs décennies par une famille irakienne nommée Al-Rawi, originaire de la ville de Rawa, dans l'Ouest de l'Irak. Le réseau Al-Rawi a ses origines dans les années 1990, lorsqu'il a aidé le régime de Saddam à échapper aux sanctions sévères qui ont suivi la guerre du Golfe de 1991. En Avril 2019, le département américain du Trésor a sanctionné quatre entreprises turques membres de ce réseau, accusées de fournir une aide financière à l'Etat islamique. En Novembre 2019, le département américain du Trésor a mis six de ses membres sur la liste noire, car ils exploitaient des sociétés illégales en Irak, en Turquie et en Belgique. Ces entreprises ont aidé à financer les opérations de l'Etat islamique en Irak et en Syrie. Fin Juillet 2020, un membre de la famille (Adnan Muhammad Amin al-Rawi) de la succursale du réseau en Turquie a été ajouté à la liste noire du département du Trésor américain. Voir: Namo Abdulla, l'action américaine contre un financier de l'EI montre que les flux de trésorerie des jihadistes se poursuivent depuis la Turquie. VOAnews, 5 août 2020: https://www.voanews.com/extremism-watch/us-action-against-financier-shows-jihadists-cash-flowcontinues-turkey. ↑
^[3] Suite à une pénurie mondiale de masques faciaux COVID-19, Murat Cakar a créé un site Internet et quatre pages de vente sur Facebook (mars 2020). Il a proposé à la vente des masques N95 de qualité inférieure, ainsi que d'autres équipements sanitaires. Selon l'acte d'accusation déposé contre lui en Turquie, il a transféré ses bénéfices à l'Etat islamique (Newsbreak, 14 août 2020; Newsbytes, 17 août 2020). ↑
^[4] Lashkar-e-Islam est une organisation djihadiste salafiste fondée en 2004 au Pakistan. L'organisation a été interdite en Juin 2008. En Mars 2015, l'organisation a annoncé sa fusion avec la branche pakistanaise des talibans afghans. L'organisation serait affiliée à la province du Khorasan de l'Etat islamique depuis 2017. Des informations non vérifiées indiquent également que l'organisation entretient également des liens avec le gouvernement afghan, qui l'utilise comme une force d'équilibre contre les talibans. La zone d’activité de l’organisation est Khyber, dans le district de Peshawar, le long de la frontière avec l’Afghanistan (CISAC, 20 octobre 2020). ↑
^[5] Selon les allégations de responsabilité de l'Etat islamique publiées sur Telegram. ↑
^[6] United Nations Development Programme ↑
^[7] Selon les allégations de responsabilité de l'Etat islamique publiées sur Telegram. ↑
^[8] Selon les allégations de responsabilité de l'Etat islamique publiées sur Telegram. ↑
^[9] Les bureaux de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo ont été attaqués le 7 janvier 2015 par des membres du jihad mondial parce qu'ils affirmaient que l'hebdomadaire avait publié des caricatures et des blagues sur le prophète Mahomet. A ce sujet, voir notre article (en anglais) du 13 janvier 2015 intitulé . "Jihad Operatives in France Affiliated with Al-Qaeda in the Arabian Peninsula and ISIS Carry Out Shooting Attacks Killing 17”.
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^[10] Le 19 octobre 2020, une affiche menaçante a été publiée dans le magazine anglophone de l'Etat islamique adressée aux partisans de l'organisation en Inde (Voice of Hind) déclarant : "Si votre liberté d'expression ne vous empêche pas de critiquer le prophète Mahomet, notre les épées n'arrêteront pas de défendre l'honneur du Prophète Mahomet, qu'il repose en paix. L'affiche comprend une épée et une photo de la tête décapitée du professeur de français. Ceci est une indication de l'identification idéologique de l'Etat islamique avec l'attaque, même si l'Etat islamique n'en a pas revendiqué la responsabilité. ↑
^[11] Sourate al-A'raf, verset 176. Cela signifie qu'Allah a chargé le prophète de l'islam, Mahomet, de raconter les histoires qu'il avait racontées lui, comme les histoires des prophètes, à ceux qui ne sont pas musulmans, afin qu'ils puissent comprendre leur signification. ↑
[12] Il s'agit d'une référence à une attaque contre un convoi de l'armée syrienne près de Deir ez-Zor, le 18 août 2020. Un officier supérieur russe avec le grade de général de division a été tué dans l'attaque. ↑
^[13] Le 2 août 2020, des membres de la province du Khorasan de l'Etat islamique ont libéré des prisonniers de la prison centrale du district de Nangarhar dans la ville de Jalalabad. ↑

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