Aperçu général
- En Octobre 2018, l’administration américaine a adopté une série de mesures législatives et répressives contre le Hezbollah et tous ceux qui le soutiennent. Ces mesures ont rencontré un large soutien au Congrès et ont été approuvées par le Président Trump. Ces mesures fournissent aux forces de l’ordre une “boîte à outils” améliorée dans la lutte contre le Hezbollah et le crime international dans lequel il est impliqué. Au niveau politique, ces mesures reflètent l’engagement profond de l’administration Trump de donner une priorité élevée à la lutte contre le Hezbollah dans le cadre de la campagne globale contre l’Iran.
- Voici un bref résumé des mesures prises par les États-Unis:
- Deux projets de loi renforçant les sanctions à l’encontre du Hezbollah (11 octobre 2018): L’un élargit les sanctions économiques et financières imposées par la législation précédente (2015) au Hezbollah et à quiconque soutient l’organisation et ses actions pénales dans le monde entier (particuliers, entreprises et entités gouvernementales). Le deuxième projet de loi impose des sanctions au Hezbollah et au Hamas qui utilisent des civils comme boucliers humains, ainsi qu’aux individus, aux institutions et aux pays qui les y aident.
- L’inclusion du Hezbollah dans la liste des cinq principaux groupes criminels transnationaux et la création d’un groupe de travail sur la lutte contre ces groupes (15 octobre 2018) : Le procureur général américain Jeff Sessions a annoncé l’inclusion du Hezbollah dans la liste des cinq groupes criminels transnationaux. Outre le Hezbollah, quatre autres cartels internationaux liés à la drogue et à la criminalité basés en Amérique latine ont été inclus dans la liste. Afin de gérer la lutte contre ces groupes dirigeants, un groupe de travail spécial dirigé par le procureur général adjoint a été créé, avec la participation de procureurs et d’experts ayant l’expérience de la lutte contre la drogue, le terrorisme, le crime organisé et le blanchiment d’argent.
- Ces mesures visaient à rationaliser la campagne américaine contre le Hezbollah dans le cadre de la campagne globale contre l’Iran et les organisations terroristes qu’elle gère. La désignation du Hezbollah en tant que groupe criminel transnational de premier plan, ainsi que de quatre principaux cartels de trafic de drogue et engagés dans d’autres activités criminelles, indique que l’administration américaine est déterminée à donner la priorité à la lutte contre le Hezbollah. La nouvelle législation et le groupe de travail mis en place fournissent aux forces de l’ordre américaines des outils supplémentaires, tirés du monde de la criminalité, afin de faire face aux nombreuses activités criminelles et financières menées par le Hezbollah à l’étranger, notamment en Amérique latine et en Afrique de l’Ouest[1].
- Le sénateur Marco Rubio, l’un des auteurs du projet de loi sur le renforcement des sanctions contre le Hezbollah, a déclaré ce qui suit après l’approbation de ces sanctions : “Les terroristes soutenus par l’Iran sont responsables de la mort de centaines d’Américains et continuent de menacer gravement les États-Unis et nos alliés, y compris l’État démocratique d’Israël. La législation renforcera les efforts internationaux visant à lutter contre le financement et l’expansion des menaces terroristes et de missiles du Hezbollah, ainsi que son trafic de stupéfiants et d’autres activités criminelles transnationales.”
- Selon nous, la nouvelle législation américaine devrait toucher avant tout le Liban et l’économie libanaise. En effet, le Hezbollah fait partie intégrante du tissu politique et social du Liban et est assisté par l’État et ses institutions dans la gestion de ses activités militaires, terroristes, sociales et économiques. En particulier, le système bancaire libanais est susceptible d’en pâtir. Le Hezbollah utilise ce système pour recevoir des fonds en provenance d’Iran et pour allouer des fonds à son infrastructure militaire et sociale au Liban[2]. On peut supposer que le Hezbollah tentera, comme d’habitude, de faire pression sur le système bancaire libanais pour qu’il ne coopère pas avec les États-Unis. Par exemple, depuis 2015, à la suite de la loi sur la prévention du financement du Hezbollah International, la Banque centrale libanaise a bloqué les comptes bancaires d’entités et de personnes affiliées au Hezbollah. Après avoir bloqué les comptes, le système bancaire libanais a reçu un message violent du Hezbollah sur son sort s’il continuait à céder à la pression américaine (l’explosion d’un engin piégé près de Bank Lubnan wal-Mahjar (Banque BLOM) à Beyrouth, le 12 juin 2016). En outre, les sanctions sont susceptibles de nuire aux particuliers, aux banques et aux entreprises du monde entier impliqués dans la collecte de fonds pour le Hezbollah auprès d’hommes d’affaires chiites à l’étranger et dans le cadre de ses activités criminelles (notamment en Amérique du Sud et en Afrique de l’Ouest).
- Il convient de noter que le Hezbollah est désigné comme organisation criminelle internationale, et pas seulement comme organisation terroriste, avec quatre cartels de drogue et de criminalité basés dans des pays d’Amérique latine. Cette désignation et la création du groupe de travail visaient apparemment à fournir aux services répressifs des États-Unis des capacités supplémentaires tirées de la guerre contre la criminalité, en plus d’imposer des sanctions. Ces capacités incluent la détention de suspects, les enquêtes, le dépôt d’actes d’accusation et les demandes d’extradition que le Département de la justice des États-Unis peut mener à bien par l’intermédiaire du groupe de travail[3]. De plus, le fait de désigner le Hezbollah comme une organisation criminelle internationale est également un “signal” de la part du Département de la justice américain indiquant qu’il entend donner la priorité à la poursuite du Hezbollah et de ses membres par le biais du nouveau groupe de travail.
Le congrès américain approouve deux projets de loi élargissant la portée des sanctions imposées au Hezbollah et à ses partisans
- Le 11 octobre 2018, le Congrès américain a approuvé deux projets de loi élargissant la portée des sanctions imposées au Hezbollah et à ses partisans dans un projet de loi précédent (de 2015[4]). Les deux projets de loi approuvés sont le résultat d’une activité bipartite qui s’est déroulée sur plusieurs mois au Congrès. Les deux projets de loi ont été approuvés par le Président américain Donald Trump (25 octobre 2018).
- Le premier projet de loi élargit les sanctions économiques et financières imposées au Hezbollah et à ses partisans (loi portant modification du Hezbollah en matière de prévention du financement transnational de 2018 (art. 1595). Le projet de loi impose des sanctions au Hezbollah; aux particuliers, aux entreprises et aux entités gouvernementales qui aident le Hezbollah à collecter des fonds ou à recruter des personnes, ainsi qu’à quiconque fournit des armes au Hezbollah. Le projet de loi impose également des sanctions aux réseaux de trafiquants de drogue et aux individus et entités qui soutiennent les crimes graves commis par le Hezbollah (voir le site Internet du Congrès américain pour le texte intégral du projet de loi).
- Le deuxième projet de loi impose des sanctions pour l’utilisation de civils sans défense comme boucliers humains (Loi sur la sanction de l’utilisation de civils comme des boucliers sans défense, H.R.3342). Le projet de loi impose des sanctions aux membres du Hezbollah et du Hamas qui utilisent des civils innocents comme boucliers humains et aux individus, institutions et pays qui aident le Hamas et le Hezbollah à le faire (voir le site du Congrès).
L’annonce des cinq principaux groupes criminels transnationaux par le ministère de la Justice des Etats-Unis
- Le 15 octobre 2018, le procureur général des États-Unis, Jeff Sessions, a déclaré le Hezbollah et quatre autres cartels criminels comme les principaux groupes criminels transnationaux. La déclaration indique que ces groupes menacent la sécurité et la prospérité des États-Unis et de leurs alliés. Cette déclaration était la mise en œuvre d’un décret présidentiel (9 février 2017), dans lequel les organismes fédéraux chargés de l’application de la loi étaient chargés de définir les principaux groupes criminels transnationaux, ce dans le but d’accorder la priorité absolue à la guerre contre eux et d’allouer des ressources suffisantes à des activités susceptibles de perturber et de démanteler ces groupes (Site Internet du Département de la justice des États-Unis, 15 octobre 2018).
- Outre le Hezbollah, quatre autres groupes impliqués dans le trafic de drogue et d’autres activités criminelles sont également inclus dans la définition de “groupes criminels transnationaux”. Les quatre autres groupes, basés en Amérique latine, sont : MS-13 (Mara Salvatrucha), un gang d’immigrés d’Amérique centrale, principalement El Salvador, établi à Los Angeles ; le Cartel De Jalisco Nouvelle Génération (CJNG), le cartel de la drogue le plus puissant du Mexique ; Sinaloa Cartel, un syndicat criminel mexicain international considéré comme l’un des cartels de la drogue les plus importants et les plus puissants au monde ; Clan Del Golfo, l’un des plus grands cartels de la drogue en Colombie.
- Le procureur général a annoncé la création d’un groupe de travail spécial sur la guerre contre ces cinq “groupes criminels transnationaux”, dirigé par le procureur général adjoint et avec la participation d’une équipe de procureurs et d’experts ayant l’expérience de la lutte contre la drogue, le terrorisme, crime organisé et blanchiment d’argent. Le groupe de travail sera organisé dans le cadre de sous-comités, chacun étant responsable de l’un de ces cinq groupes. Le procureur général des États-Unis a ordonné à chacun de ces comités de soumettre des recommandations spécifiques sur la manière dont ces groupes pourraient être éliminés par divers moyens: poursuites, diplomatie ou autres moyens juridiques (Site Internet du Département de la justice des États-Unis, 15 octobre 2018). Selon le procureur général, une fois le groupe de travail créé, les mesures prises à l’encontre de ces groupes deviendront plus efficaces et plus ciblées que jamais (Reuters, 15 octobre 2018).
Approbation du Président Donald Trump
- Le 25 octobre 2018, le président Trump a signé deux projets de loi qui renforcent les sanctions imposées au Hezbollah et à quiconque l’aiderait. Les lois ont été approuvées lors d’un événement marquant le 35e anniversaire de l’attentat-suicide du Hezbollah contre le camp des Marines à Beyrouth (qui a coûté la vie à 241 Américains). Au cours de la cérémonie, le Président a annoncé qu’il avait signé une loi qui augmenterait les sanctions imposées au Hezbollah et nuirait aux ressources financières de l’organisation. Il a ensuite déclaré : “Nous allons cibler, perturber et démanteler leurs réseaux opérationnels et financiers dont ils disposent déjà largement… Et nous n’oublierons jamais ce qu’ils ont fait à nos marines à Beyrouth.” Le Président a saisi l’occasion pour souligner le rôle de l’Iran en tant que financier du Hezbollah et principal mécène (Site Internet de la Maison Blanche, CNN, 25 octobre 2018).
Réactions au Liban
- Jusqu’à présent, le gouvernement libanais s’est abstenu de traiter publiquement de la nouvelle législation américaine. Le Hezbollah s’est également abstenu d’y répondre. Le site d’information libanais Janubiyah a annoncé qu’il avait tenté de prendre contact avec Hajj Mahmoud Qamati, membre du bureau politique du Hezbollah, pour obtenir ses commentaires sur la décision américaine. Qamati a répondu que son organisation avait décidé de ne pas faire de commentaires dans les médias (Site Internet Janubiya, Liban, 16 octobre 2018).
- Des éditoriaux publiés sur le site Internet des Forces libanaises ont souligné que la décision américaine était un coup dur pour le Liban et que de nombreux Libanais ne comprenaient pas son importance et ses répercussions. Selon les éditoriaux, la décision américaine contre le Hezbollah posera un problème au futur gouvernement du Liban, affectera sa composition et la présence du Hezbollah dans ce pays (Site Internet des Forces libanaises, 16 octobre 2018). Fadi Abboud, l’ancien ministre du Tourisme libanais, a répondu qu’ils (cf., les Libanais) s’étaient habitués à l’attitude unilatérale de Washington. À son avis, cette décision entraînera une rupture entre le Liban et les États-Unis. Ces sanctions pourraient poser de graves problèmes au futur gouvernement du Liban, qui inclura des ministres du Hezbollah.
- Selon le site internet du Bloc du 14 mars (affilié au Premier ministre libanais Saad Hariri), les mesures américaines contre le Hezbollah s’inscrivent dans le cadre d’une vaste campagne américaine contre l’Iran et ses antennes au Moyen-Orient (Site Internet du Bloc du 14 mars, 16 octobre 2018).
- À la suite de la déclaration américaine contre le Hezbollah, une chaîne de télévision libanaise a consacré un programme spécial à ce problème. Ce programme a accueilli le commentateur libanais Maher al-Dana, qui a qualifié les mesures prises par les États-Unis de “mesures punitives” contre le Liban et son économie. Il a également accusé Israël d’être impliqué dans le “bras américain”. Selon lui, cette mesure vise à embarrasser le Liban et toutes les parties au gouvernement libanais. Au cours du programme, il a été affirmé que, selon diverses sources, le soutien annuel apporté par l’Iran au Hezbollah aurait été estimé à 700 millions de dollars (Orient.tv, 16 octobre 2018).
Arabie saoudite
- Le journal saoudien Al-Riyadh a publié (19 octobre 2018) un article intitulé “La fin de l’argent interdit … du Hezbollah – un criminel persécuté dans le monde”. Selon l’article, l’objectif des États-Unis est de “tarir” les sources de financement du Hezbollah en raison de son implication dans la déstabilisation de la région et limitent l’influence iranienne dans la région puisque le Hezbollah est soutenu par l’Iran. En outre, cette déclaration américaine permettra de confisquer les fonds et l’aide arrivant d’Iran au Hezbollah (Al-Riyadh, 19 octobre 2018).
Caricatures et affiches dénonçant le Hezbollah pour son implication dans le trafic de drogue
Affiches publiées sur les médias sociaux dénonçant le Hezbollah pour son implication dans le trafic de drogue (Compte Twitter de Saad al-Khudary, 16 octobre 2018)
Caricature publiée sur Twitter à la suite de la décision américaine contre le Hezbollah, qui indique la participation du Hezbollah à la distribution de drogues
À la suite de la décision américaine contre le Hezbollah, un titulaire d’un compte Twitter en arabe a publié une courte vidéo dans laquelle Sheikh Subhi al-Tufayli, le premier secrétaire général du Hezbollah, attaque le Hezbollah pour avoir inondé le Liban de drogue et corrompu la jeune génération. La date de la vidéo n’est pas claire (Compte Twitter de Shahd al-Assal, 16 octobre 2018)
[1] A ce sujet, voir notre article (en anglais) du 12 août 2018 intitulé : “Hezbollah’s Tri-Border Area terror finance comes under fire at last,” by Emanuele Ottolenghi. ↑
[2] A ce sujet, voir notre article (en anglais) du 10 juillet 2016 intitulé : “Nasrallah’s Speech: Hezbollah’s Budget Is Entirely Funded by Iran, Including Weapons and Operatives’ Salaries Analysis of Significance and Implications.” ↑
[3] Voir l'article d'Emanuele Ottolenghi : “Department of Justice right to go after Hezbollah” (The Hill, October 16, 2018) ↑
[4] Loi de 2015 sur la prévention du financement international du Hezbollah. ↑[1]